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Chante-Reve.

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Silver786's avatar
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      Lorsqu'enfin les Portes du Souvenir furent fermées,
      l'Oubli s'engouffra dans la citadelle du Secret,
      Le scellant à jamais.



Une paire d'ailes battait l'air furieusement, produisant un bruit particulier, bourdonnant.
Avec circonspection, une abeille voletait entre les plantes forestières, avant de se poser finalement sur les pétales d'une cassiopea, une fleur orange au parfum entêtant. Le vent léger qui parcourait la clairière faisait ondoyer les quelques frêles plantes aux alentours ainsi que les herbes, alternant ainsi l'exposition au soleil de l'abeille et de son promontoire, qui oscillaient alors entre lumière et ombre.

Kaezar contemplait cet instant de pure sérénité d'un air vague, bercé par le doux bruissement des arbres.
Allongé dans l'herbe, il respirait doucement, profitant pleinement de ce moment de quiétude dans la Forêt d'Adhara.
Délaissant la vision du bourdonnant insecte et de la cassiopea, le jeune homme ferma les yeux avec lenteur, au moment même où le vent retomba et où le silence devint maître des lieux.
C'est alors que dans l'atmosphère qui embaumait la sève se fit sentir une odeur incongrue: celle du souffre.
Gardant les paupières closes, Kaezar inspira néanmoins plus profondément, intrigué. Il ne faisait aucun doute que son odorat ne l'avait pas trompé, l'odeur persistait et s'amplifiait dans l'air.
Brisant le silence qui venait à peine de s'installer, des solitaires et des furnix s'envolèrent brusquement à tire d'aile.
Alors, enfin, Kaezar ouvrit les yeux.

Entre les branches des arbres qui le surplombaient, se détachant sur le fond bleu d'un ciel sans nuages, une masse grise de belle taille le survolait sans un bruit.

Toute trace de sommeil envolée, le jeune homme se redressa brusquement lorsqu'elle sortit de son champ de vision.
Etait-ce un rêve ?
Il n'y avait qu'une seule manière de le savoir.
Avec souplesse et célérité, il s'attaqua à l'ascension du plus haut sapin aux alentours, progressant dans son feuillage avec aisance. Une fois arrivé à la cime, surplombant la plupart des autres conifères, il se retourna prestement dans la direction qu'avait pris la créature.

La vision qui s'offrit alors à ses yeux aurait du le marquer à jamais. Ce qu'il avait vu à contre-jour comme une sombre masse grisâtre s'avérait être, sous les rayons du soleil, un magnifique dragon d'un gris majestueux. Un dragon. Le mot lui était venu naturellement, comme si soudainement, cet héritage d'histoires fantastiques que ses parents lui avaient légué, qui mentionnaient toujours cette créature que nul n'était en mesure de décrire avait pris un sens, s'était ancré dans la vraie vie. Illuminées, les écailles de cette chimère devenue réalité semblaient être en argent et étincelaient, sans pour autant aveugler Kaezar. Des volutes de chaleur brouillaient l'air autour de lui, comme s'il n'était qu'un mirage. Il n'évoluait ni rapidement ni lentement, son corps massif paraissant dans les airs aussi pesant qu'une plume de phénix.
Ses ailes translucides battaient à peine, avec une lenteur gracile. Il s'éloignait, mais la magnificence, la beauté de son existence à elle seule continuait à s'imprimer dans les yeux du jeune homme bouleversé. Son coeur se serrait au fur et à mesure que le dragon se rapprochait de l'horizon, vers les lointaines montagnes enneigées.

C'est alors qu'un son lui parvint, vraisemblablement émis par la céleste créature. Un cri venu des profondeurs des entrailles d'un être dont l'émotion était si vive qu'elle semblait vibrer dans l'air, transperçant le coeur de Kaezar. D'autres cris mélodieux se firent entendre dans le dos du jeune homme secoué, comme en réponse au cri initial. Alors qu'il faisait précautionneusement volte-face, un véritable choeur s'éleva au dessus de la canopée, un chant pur, cristallin et ancestral, qui s'harmonisait parfaitement avec le vol des dizaines de dragons qui planaient dans la même direction que celui qui semblait être leur guide, leur éclaireur.

Tout comme le chant gagnait en intensité, la gorge nouée de Kaezar se serra d'avantage à la vue de l'individu le plus proche de lui, qui volait plus bas que ses congénères. La mélodie se poursuivait, hypnotique, lourde, mélancolique. Elle faisait ressurgir des souvenirs perdus du jeune homme, qui se rappela la mer de son enfance et le chant des immenses mères-mer qui fendaient les flots avec la même grâce que ces dragons d'argent.

Kaezar revint au moment présent, et ses yeux aussi noirs que sa chevelure croisèrent ceux du dragon qui les capta, magnétique. Le jeune homme paraissait incapable de le quitter des yeux, et ne pouvait que le regarder scintiller, magnifique, de plus en plus proche.
Il distinguait maintenant toutes ses écailles, voyait ses longues vibrisses onduler et découvrit une rangée de plumes dorsales. Il sentait le souffre et ressentait la chaleur inouïe qui rayonnait de l'animal. Il rectifia sa pensée lorsqu'il put discerner la couleur des yeux du dragon, car de sa courte vie, jamais il n'avait vu autant d'humanité dans un regard.
La profonde tristesse qui remplissait ces énormes iris métalliques le troubla profondément, et des larmes perlèrent au bord de ses cils sans qu'il ne s'en rende compte.

Puis il vit la puissance et le danger à l'état pur, en opposition à une sagesse sans âge qui les contenait, tel un fourreau.
Puis il vit l'amour. Cette créature l'aimait, sans jamais l'avoir connu, et cette simple constatation ajoutée à ce profond sentiment d'affection qu'il ressentait suffit à faire rouler ses larmes sur ses joues. Sa vision se troubla, et la dernière image qu'il emporta fut celle de l'éclat du soleil sur les écailles frontales de la créature, et le dernier son qu'il entendu fut celle de la musique du chant des dragons.

Quand il ouvrit les yeux, Kaezar était allongé dans l'herbe. Entre les arbres, le bleu du ciel s'étendait, sans aucune tâche nuageuse pour l'interrompre. Le jeune homme encore ensommeillé soupira d'aise et inspira profondément.
Des relents d'une odeur particulière flottaient dans l'atmosphère, sans qu'il puisse en identifier la provenance et la nature.
N'y prêtant plus attention, Kaezar se croisa les avant-bras derrière la nuque avant de se laisser sombrer à nouveau dans le sommeil qui lui tendait les bras.

Au loin, vers les montagnes, écho d'un écho, le murmure d'une mélodie chuchota ses dernières notes, emportées par une rafale de vent.
Le thème : Les Dragons

Les restrictions :

- Récit en prose uniquement
- Récit à la 3ème personne du singulier
- Interdiction d'utiliser les mots " opalescent, rose, éléments, salade ".


___________________

Eh oui, les dragons, quel thème original n'est-ce-pas ? x)

Toujours est-il que même si mon texte ne m'a pas convaincue, je suis heureuse d'avoir évité les pistes habituelles du genre " duel de dragons " ou " jeune héros ayant trouvé par miracle un oeuf de dragon dans son jardin " etc

Et puis les méchants dragons c'est vu et revu, alors j'ai voulu tenter autre chose, même si ça reste très court et suggestif.
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ArwenGernak's avatar
Je peux te poser une question: quelles études fais-tu ? Philo et Lettres ?